dimanche 3 mai 2009

Ordradhil : l'histoire de Jason Bourde

Je m’appelle Jason, je suis espion par vocation. J’ai toujours adoré me dissimuler, mener une double vie, enfiler des costumes sur mesure, cacher ma vraie personnalité sous des apparences mortellement trompeuses, et ça depuis ma plus tendre enfance. Alors quand on m’a proposé de devenir espion à la solde d’un des plus grands Ordres de Daifen, vous pensez bien que je n’ai pas hésité une seconde !
J’ai travaillé pour de nombreux seigneurs mais cela fait maintenant plusieurs centaines de lunes que je suis aux ordres de X, oui, c’est ça, appelons-le X si vous voulez bien, mes fonctions m’interdisant bien évidemment de dévoiler toute la vérité, c’est une chose que vous êtes en mesure de comprendre. Et c’est lorsque X m’a appelé dans son QG, la nuit dernière, que tout a commencé…
- Voilà ta prochaine cible Jason ! m’a-t’il dit en plaquant une image sur la table devant moi, elle s’appelle Shay, c’est une Lumineuse, elle se trouve sur Ordradhil. Tes ordres sont simples, tu t’infiltres, tu notes tout ce qui te tombe sous les yeux et tu reviens dare-dare me faire ton rapport.
J’ai examiné de près la photo : Shay est une petite brunette qui passerait assez inaperçue si elle n’avait pas ces deux yeux immenses braqués en permanence sur vous, mais ça, je ne le découvrirai que plus tard. Toujours est-il que j’ai fait mes bagages et que j’ai quitté Umodhil en pleine nuit pour gagner Ordradhil. Ah Ordradhil ! Le continent le plus âprement disputé, le plus sauvage et le plus cruel qui voit le couronnement d’un seul Ordre… Vous imaginez bien que j’étais curieux de vivre ça de l’intérieur ! Eh bien je n’ai pas été déçu : à peine débarqué sur le sol ferme, il a fallu que je sprinte pour éviter d’être pris à partie par une bande de nains hallucinés qui tapait sur tout ce qui bougeait… Leur haleine empestait le houblon, leurs yeux tournaient dans leurs orbites mais pas aussi vite que leur hache qu’ils tenaient tous à bout de bras. Ils avaient élu domicile sur la plage et taillaient en pièce tous les nouveaux venus qui avaient le malheur d’arriver là. Heureusement ma formation d’espion comprenait un volet sportif qui m’a rendu bien service ce jour-là ! Les nains, alourdis par la bière, ne tinrent pas la marée et me laissèrent m’éloigner en hurlant de rage…
Évitant de trop penser à la façon dont j’allais bien pouvoir regagner mon embarcation, je me suis dirigé vers l’ouest, là où le campement de la Lumineuse avait été vu pour la dernière fois. Tout le monde se battait ici : il fallut que j’évite des armées d’Initiés qui allaient rendre visite à leurs copains du Clan, une armée de la Waaagh en manœuvre, des Enfants perdus dans les bois et des Nains Extrémistes qui chassaient à la lueur de lucioles apprivoisées. Bref, ce ne fut pas une partie de plaisir, aussi je soupirai de soulagement lorsque j’arrivai aux portes du campement de Shay. Là, première surprise : aucun garde, aucune vigie postée sur les murailles. Brusquement inquiet, je m’avançai sur la pointe des pieds, évitant des corps allongés à même le sol. De ces formes sombres montaient des ronflements caractéristiques de fosses nasales encombrées : tout le monde roupillait sans se soucier des combats qui avaient lieu à peine à quatre cents toises de là ! Au centre du camp, un immense barbecue contenait encore les reliefs d’une grosse fête : des cadavres en verre témoignaient que cette viande qui me paraissait succulente avait largement été imbibée, ce qui expliquait sans doute le relâchement des guerriers. Grâce à la Lumière d’une superbe Cathédrale bâtie sur la place centrale, je pus visiter tout le camp et m’assurer qu’effectivement les soldats étaient tous présents mais tous endormis. Je trouvai sans mal le QG, indiqué par des pancartes peintes à la main. Sans bruit je poussai la porte et entrai à l’intérieur. Je vis une grande table recouverte de rapports d’espionnage, de pigeons express. Je m’assis dans un fauteuil et me mis à tout lire, confiant en ma mémoire (j’ai ça dans la peau !) pour retenir l’essentiel de ces informations. Soudain un léger bruit troubla l’atmosphère calme de la pièce : je me levai doucement, la main sur mon poignard, prêt à dégainer, et c’est alors que je la vis : elle était couchée dans un hamac tendu entre deux piliers de bois. Un rayon de Lumière caressait sa joue et glissait le long de ses lèvres pleines. Ses yeux étaient fermés, elle dormait, la bouche légèrement entrouverte, un nounours en peluche collé contre son cou et dépassant d’une couverture miteuse…
- Mince, me dis-je, elle est jeune !
Sans faire de bruit, je la laissai tranquille, à peine effleuré par l’idée que j’aurai pu sans mal me débarrasser d’elle et par là même d’un ennemi potentiel de mon patron… J’en avais assez vu. Il était temps de me remettre en route en espérant que les nains de la plage soient tous en train de cuver à cette heure-ci. Pourtant, en passant devant les restes de la fête, je ne pus m’empêcher de tendre la main vers la viande rôtie qui semblait n’attendre plus que moi. Je n’avais pas mangé depuis, depuis….deux lunes ? Trois ? La tentation fut trop forte, d’autant plus que la première bouchée fut exquise… J’attrapai un fond de vodka dans une bouteille jetée là et me mis à manger tout mon soul…
Un claquement se fit entendre à mes oreilles tandis qu’une brûlure sur mes cuisses me réveilla tout à fait. Je mis plus d’une minute à réaliser où j’étais ! L’idiot ! Je m’étais endormi auprès du feu éteint, la bouteille de vodka en guise d’oreiller.. Une voix me fit tourner la tête :
- Alors espion, ton rapport ? Plus vite, je n’ai pas que ça à faire !
Elle se dressait devant moi, à deux mètres à peine, mais un fouet remplaçait son nounours en peluche dans sa main gauche. Campée sur ses jambes qu’elle avait ma foi, fort jolies, elle me toisait de la tête aux pieds. Je crus discerner une lueur gourmande dans ses yeux noirs dardés sur moi, mais je me dis que c’était certainement une hallucination… Autour de nous, la vie avait repris ses droits, le camp bruissait d’activités, on se préparait pour la guerre, je ne pouvais pas m’enfuir. Autrement dit, j’étais comme un rat pris au piège.
- Suis-moi, me dit-elle…
Sans plus me regarder, elle tourna les talons et se dirigea vers le QG.. Lorsque j’entrai dans la pièce que j’avais visitée pendant la nuit, cinq officiers en armes, prêts à aller au combat, attendaient ses ordres, debout et bien droits dans leurs bottes cirées…
- Voilà, l’espion, au fait, comment t’appelles-tu ? me demanda Shay..
- Jason, madame…
- Très bien, Jason Bourde, explique la situation à ces messieurs…

Et voilà comment je suis entré au service de Dame Shay, grâce à un concours de circonstances que je ne regrette pas vraiment : la veille au soir, un espion avait été envoyé pour observer ce qui se passait aux alentours pendant que tout le reste de la garnison fêtait les vingt printemps de la demoiselle. Heureusement pour moi, cet espion n’est jamais revenu, faut dire qu’avec tous les combats qui se déroulaient cette nuit-là, c’est pas vraiment étonnant. Shay n’avait pas la mémoire des visages, et un homme comme moi connaît mille et une façons de changer d’aspect physique : je n’eus donc aucun mal à me faire passer pour l’un de ses hommes… Et maintenant, je vois bien la question qui arrive au grand galop : est-ce que je lui suis fidèle ? A votre avis ?
La seule chose qui m’énerve, c’est le nom dont elle m’a affublé : Jason Bourde !

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Shay